"L'Ecole au coeur": tribune de Guillaume Bachelay, Pascale Boistard et Mehdi Ouraoui

Publié le par LE LABO76

Le Monde du 12 novembre 2010:

 

L'UMP vient de dévoiler son projet éducatif pour 2012. Dans quelques semaines le Parti socialiste débattra du sien lors d'une convention nationale. A dix-huit mois de l'élection présidentielle, une certitude s'impose : l'éducation sera au cœur de la confrontation politique entre la droite et la gauche.

 

Le pouvoir actuel est disqualifié pour donner un avenir à l'école. Depuis 2002, son bilan est accablant : ghettoïsation accrue avec la fin de la carte scolaire et des RASED (Réseaux d'aides spécialisés aux élèves en difficulté) , semaine de quatre jours qui perturbe les rythmes biologiques des élèves autant que le travail pédagogique des enseignants, suppression de près de 100 000 postes dont 11 000 programmés pour 2011.

 

La même veine idéologique inspire les dernières trouvailles en date du parti présidentiel. La généralisation du recrutement de professeurs par le principal ou le proviseur ? Elle institutionnaliserait l'hyper-concurrence entre établissements : en France, l'éducation ne serait plus nationale, mais libérale. La suspension des allocations familiales en cas d'absentéisme ? Dans les classes comme dans les familles, chacun sait que substituer le punitif à l'éducatif mène à l'échec.

 

C'est donc vers la gauche que les Français se tournent pour sauver l'école de la République. Pour le Parti socialiste, mieux vaut aborder ce défi avec les idées claires ! D'ici 2012, nous devons tirer les leçons de l'expérience et comprendre pourquoi, lors des deux précédents scrutins présidentiels, nombre d'enseignants n'ont pas voté pour nos candidats. Après 2012, il ne suffira pas de réparer ce que la droite a cassé, mais de refaire de l'école le premier projet de la Nation et pas seulement son premier budget – surtout dans un contexte d'assèchement des finances publiques. Ce qui implique de renouer avec la politique des cycles pour sortir l'école des strates d'"outils" et "dispositifs" en tous genres dont l'ont recouverte vingt ans de plans et de contre plans.

  

300 000 ÉLÈVES SORTENT DU PRIMAIRE AVEC DE GRAVES LACUNES

 

Pour remplir sa mission, l'école ne doit plus être ballottée entre tous les maux de la société, mais au contraire être protégée contre les inégalités de conditions et les discriminations. Pour nous, la sanctuarisation n'est pas un gros mot. Elle est une digue contre l'échec scolaire, insupportable parce qu'il hypothèque l'avenir de toute une vie et qu'il est presque toujours une inégalité de naissance.

Selon le Haut Conseil à l'Education, quatre écoliers sur dix, soit environ 300 000 élèves, sortent du primaire avec de graves lacunes en lecture, écriture et calcul. Cette situation appelle des réponses en profondeur et non des slogans-gadgets tel le certificat d'études vintage façon UMP, en CE1 à la sauce Bertrand, au CM2 façon Copé. Notre pays a besoin d'un grand plan national pour la lecture et les savoirs fondamentaux, renforcé par un corps volant de professeurs spécialisés à la disposition des élèves en difficulté. Priorité, donc, au triptyque lire-écrire-compter qu'il faut, à l'heure d'internet, enrichir du "cliquer".

 

Clarification aussi pour l'enseignement secondaire. Redonnons du souffle au collège pour tous afin qu'il rehausse le niveau des élèves en conjuguant haute exigence de culture commune et parcours diversifiés. De même, faisons du lycée un vrai passeport pour l'enseignement supérieur, qu'il soit général, technologique ou professionnel, et une vraie passerelle vers le monde du travail. Pré-orientation et orientation doivent être des missions vertébrales et non latérales.

 

Ces temps scolaires, distincts et complémentaires, devront être accompagnés de choix continus. Ainsi, il est décisif de limiter à quinze élèves chaque classe à faible réussite éducative, en ZEP (Zone d'éducation prioritaire) comme hors ZEP. Autre condition pour réussir : agir sur le temps périscolaire et l'environnement des enfants. Cela suppose, par exemple, de développer l'éducation populaire, les activités culturelles, sportives ou citoyennes, les voyages scolaires gratuits et obligatoires. Cela passe par la création d'un véritable service public du soutien scolaire, en lien avec les collectivités territoriales, alternative à la privatisation rampante que constitue le commerce florissant des cours particuliers. De même, aucun enfant ne devrait se voir refuser l'entrée d'une cantine publique, d'une étude dirigée ou d'un centre de loisirs.

 

Notre vision de l'école est avant tout fidèle à l'idée que nous nous faisons de la société en République. Confrontée à l'explosion des structures familiales, au décrochage et au déclassement, à la crise de l'autorité parentale, à la montée des violences et parfois des communautarismes, l'école ne parvient plus à remplir sa mission émancipatrice et ne tient plus la promesse républicaine d'égalité, de promotion sociale et de méritocratie. Nous devons l'aider à redevenir l'institution-ciment du pays.

 

NUL BESOIN DE MALTHUSIANISME UNIVERSITAIRE

 

Face aux nouveaux défis, la gauche ne doit céder ni au nivellement ni au différentialisme, mais promouvoir auprès de tous le travail, le mérite et l'effort, quand la droite n'a favorisé que l'héritage, la reproduction et la rente. Les catégories populaires et les classes moyennes précarisées attendent de nous que soit revalorisé la condition des enseignants en réinventant avec eux leur métier et rétablie l'autorité du professeur, quand Sarkozy la sape en la décrétant inférieure à celle du prêtre depuis la basilique Saint-Jean de Latran.

 

Réaffirmer l'exigence de laïcité et de mixité face aux fausses valeurs du consumérisme, au retour des obscurantismes, au développement des violences sexistes ou racistes dans nos écoles. Pour former des citoyens qui pensent par eux-mêmes, l'école du futur devra autant savoir transmettre les valeurs de la "Déclaration des droits de l'homme et du citoyen", affichée sur les murs de la classe, qu'assurer l'éducation critique à l'image, désormais omniprésente dans la vie des enfants.

 

Une école refondée, c'est aussi le projet d'une économie plus compétitive. Quand l'Allemagne augmente de 3 milliards d'euros par an son budget pour l'éducation et que l'Inde forme 200 000 ingénieurs anglophones chaque année, le Gouvernement Sarkozy-Fillon ne propose, pour préparer l'avenir de la France, que des coupes budgétaires. Notre pays n'a pas besoin de malthusianisme universitaire, mais au contraire de permettre l'accès du plus grand nombre à l'enseignement supérieur, tout en y encourageant l'excellence.

 

Nos entreprises, nos laboratoires de recherche, nos centres d'études ont besoin que le budget des universités françaises, actuellement de 1,2 % de la richesse nationale, rejoigne les 2 % du PIB des universités américaines ; que les nouvelles technologies et les langues étrangères soient massivement présentes dans notre système éducatif ; que les classes préparatoires, les grandes écoles et les universités fusionnent dans des "pôles d'excellence" mieux adaptés à la compétition mondiale ; que les 150 000 jeunes qui "décrochent" chaque année aient accès à une deuxième chance ; que l'orientation et le suivi de chaque étudiant soit personnalisés ; que l'enseignement professionnel et technologique, du CAP à la Licence professionnelle, soit mieux reconnu comme lien privilégié avec l'entreprise.

 

L'école du 21ème siècle sera plus juste, plus efficace, plus émancipatrice. A la gauche de l'inventer !

 

Guillaume Bachelay, Pascale Boistard et Mehdi Ouraoui, secrétaires nationaux du Parti socialiste

Publié dans Regards

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T
<br /> La fin de la carte scolaire et ses inégalités croissantes, la disparition progressive des RASED, la semaine de 4 jours, les suppressions de postes , la concurrence entre les établissements… vous<br /> dressez très bien le paysage actuel dramatique de l’éducation en France… mais pour le reste… vous enchaînez sur « comprendre pourquoi nombre d’enseignants n’ont pas voté PS aux dernières élections<br /> »… est-ce là tout l’enjeu de l’éducation ?<br /> Vous continuez avec une école « sanctuaire », où devra être appliqué un grand plan national pour la lecture et les savoirs fondamentaux (ça fait 20 ans qu’on fait ça, remettre au cœur de<br /> l’enseignement « les fondamentaux »), une vraie réussite, non ?)… ou la promotion du mérite … sic et re sic… suis-je sur un site de gauche ?<br /> L’école n’est pas et ne dois pas être un sanctuaire. Elle fait partie de la vie, et ne peut être dissociée de ce qui l’entoure. Les familles doivent être plus présentes et participatives au sein de<br /> l’école. L’élève doit être actif dans la construction de son savoir, afin d’accéder à la pensée critique et à la connaissance. Vous déplorez l’orthographe catastrophique… mais, n’est-ce pas à cause<br /> du statut de l’écrit dans nos sociétés ? Ne faut-il pas alors encourager la correspondance, les écrits des enfants, les journaux scolaires ? Comment les enfants peuvent trouver un intérêt à un<br /> savoir déversé sur eux sans explication, sans but ? Comment faire en sorte que les savoirs retrouvent leur place, leur rôle de création, émancipation, transgression ? Comment enseigner ? Comment<br /> partir des intérêts des enfants, de leur vie (les écrans, la TV, le sport…) pour amener des apprentissages ? Parlons pédagogie ! La manière dont on enseigne (faire la classe de manière autoritaire<br /> ou à l’inverse, en laissant la place à la parole) participe grandement à la construction de l’enfant, citoyen de demain.. Il ne suffit pas de décliner la déclaration des droits de l’homme pour<br /> faire d’un enfant un citoyen de demain, ouvert, cultivé, instruit et critique. Je ne vois dans cet article aucune solution réelle, concrète… juste des grandes lignes : plus de mixité, d’égalité…<br /> oui, évidemment, mais comment concrètement ? Plus de classes à PAC ? Plus de croisement dans l’enseignement des matières ? Des conseils de coopérative ? Comment ?… L’éducation doit être à la base<br /> de tout projet de société, c’est pourquoi elle est si importante et primordiale. J’aimerai voir un vrai regard, une vrai vision de l’éducation… pas juste quelques généralités sur lesquelles nous<br /> sommes tous d’accord.<br /> <br /> <br />
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D
<br /> Oui, la situation est grave. Quel est le gouvernement Français qui fera UN<br /> PARI SUR L'ECOLE et l'EDUCATION ET LA RECHERCHE ? un vrai pari sur l'éducation !<br /> J'espère que ce sera le prochain et ... de gauche bien entendu.<br /> <br /> La question du pari sur l'éducation c'est aussi, celui de la JEUNESSE, d'une<br /> jeunesse qui est la grande oubliée de ces années SARKOZY.<br /> <br /> Faire le pari sur l'école, c'est aussi donner la capacité à la jeunesse d'avoir<br /> UN PROJET pour sa vie.<br /> <br /> EN finir avec cette phrase que l'on entend partout : que X pour cent des gens<br /> pensent que leurs enfants auront une vie moins bien que la leur ! ON NE PEUT<br /> ACCEPTER QU'UN PAYS vive en pensant CELA ! ON NE PEUT ACCEPTER CELA !<br /> FAIRE UN PARI, sur l'éducation est aussi donner une chance à la FRANCE, car si<br /> nous perdons notre industrialisation, nous devons gagner sur le terrain de la<br /> culture et de la recherche, de l'innovation.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> - Concernant l'éducation, aucune réforme ne réussira si un vrai travail n'est<br /> fait AVEC LE CORPS ENSEIGNANT ! (qui a besoin grandement d'être valorisé!!).<br /> Trop de réformes (réformettes) se sont faites SANS LES ENSEIGNANTS. Le dialogue<br /> social ! réinventer le dialogue social AVEC LES ENSEIGNANTS, (LES CHERCHEURS)!<br /> Pensez les réformes AVEC EUX. AVEC EUX ! C'est eux qui sont en charge de<br /> l'éducation.<br /> <br /> <br /> <br /> SUR UN SUJET AUSSI IMPORTANT, VOUS DEVEZ VISER LE CONSENSUS NATIONAL<br /> - Associer la population Française à ce projet en leur disant bien : que ce<br /> GRAND PROJET l'école est fait pour le bien des enfants, pour une autre idée que<br /> vous avez de la société !<br /> En dernier recours expliquer que les générations entières d"élèves en échec<br /> scolaire coûte beaucoup plus cher à notre société... à tous les niveaux.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> - dans votre article vous parlez énormément de ce qu'on n'ont pas fait, sarkozy<br /> et de fillon, ce n'est pas (seulement) en critiquant, ce gouvernement sans<br /> culture qu'on donnera confiance dans "notre" programme !<br /> Critiquer c'est etre en REACTION , les français ont besoin d'ACTIONS, de choses<br /> simples et fortes, de programmes de visions claires. PROPOSEZ ! ENONCEZ !! DITES<br /> CE QUE VOUS FEREZ !<br /> Soyez dans votre discours LES REPRESENTANTS de cet espoir que nous attendons<br /> tous ! REPRESENTEZ l'ESPOIR ! On sent bien que "l'économie folle" est en train<br /> de gagner partout ! Les français sont à bout !(nous) Ils ont besoin<br /> d'espoir.<br /> <br /> <br /> <br /> - L'école privée est une vraie question (c'est aussi un question PIEGE et..même<br /> si l'on sait que la liberté du riche sur le pauvre, n'est pas une vraie liberté,<br /> attaquer l'école privée, touche (soit disant) à la question de la "liberté".<br /> Je ne pense pas qu'il faille l'attaquer frontalement. Peut etre simplement dire<br /> que lorsque L'ECOLE PUBLIQUE remplira à nouveau sa fonction.. la question de<br /> mettre ou pas son enfant dans une école privée ou pas se posera différemment.<br /> <br /> <br /> les cadeaux-millions donnés au privés sont-ils ceux qu'on enlèvent au public ?<br /> Peut-être ! (pas seulement !!!!)<br /> <br /> Comment empêcher des gens de mettre leurs enfants dans une école privée, alors<br /> que l'école publique est de moins en moins "un cadre structurant" pour<br /> l'éducation, l'apprentissage et le "bien vivre ensemble".<br /> <br /> QUEL EST LE GOUVERNEMENT QUI OSERA SE POSER CES QUESTIONS, et réintroduire (sans<br /> être ringard) le RESPECT DES REGLES COMMUNES DANS L'ECOLE de la REPUBLIQUE ?<br /> On est obligés de reconnaître que (souvent) l'école privée encadre bien les<br /> enfants. ELLE réussit à imposer des régles internes précises et des cadres qui<br /> favorisent l'apprentissage.<br /> L'école Publique a -t-elle les moyens de le faire ? Comment faire, pour que<br /> l'école publique puisse à nouveau retrouver sa dignité, pour ELLE AUSSI,<br /> fonctionner avec "ces cadres" favorisant l'apprentissage ?<br /> <br /> <br /> <br /> - Vous devrez, (au parti socialiste) ETRE TRE TRES PRECIS sur les budgets et les<br /> recettes ! Même si la droite actuelle est une gestionnaire monstrueuse !<br /> monstrueuse et inique ! Ils réussissent A CHAQUE FOIS à dire : "VOUS LES<br /> SOCIALISTES VOUS DEPENSEZ, VOUS DEPENSEZ !!! ET NOUS NOUS SOMMES RIGOUREUX ! "<br /> OUI, C'EST CELA LE MESSAGE QU'ILS FONT PASSER ! ET LES GENS RETIENNENT CE<br /> MESSAGE !<br /> Tout programme sur l'EDUCATION que vous présenterez qui se voudra cohérent et<br /> ambitieux doit anticiper "ces attaques" sur les budgets.<br /> <br /> <br /> <br /> - Sur des questions aussi importantes pour l'avenir de notre jeunesse et de<br /> notre société : Pourquoi n'associez-vous pas d'autres réflexions, d'autres<br /> propositions d'autres partis de gauche ? Une stratégie "d'alliance-projet" sur<br /> ces questions là, avec d'autres partis de gauche ne pourrait-elle pas éclairer<br /> l'extrême l'importance que vous associez à ces questions ?<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> - tout désir de réforme,ou programme s'Aussi faire très attention, car comment<br /> critiquer le système "déséducatif" actuel sans que les ENSEIGNANTS ne se sentent<br /> attaqués, car nous avons (encore) la chance en France d'avoir des enseignants<br /> extraordinaires !<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> - Pour convaincre les français, sur le bien fondé de ces propositions, je<br /> m'imagine un débat télévisé ! (virtuel) IMAGINEONS UN DEBAT POLITIQUE FUTUR<br /> ENTRE GAUCHE ET DROITE, sur ce thème de l'EDUCATION :<br /> <br /> PECRESSE et LUC CHATEL diraient : dans le domaine de la recherche et de<br /> l'éducation, on a fait ça, on a fait ça, on a fait ceci !!! Et la gauche,<br /> répondrait, : Vous n'avez pas fait ça, vous n'avez pas fait ça !!<br /> Qu'aurait-on à leur dire à ces gens de droite, sur les mesures qu'ils ont prises<br /> concernant l'éducation ?<br /> <br /> Même si je suis certain qu'en 20 ans de droite les inégalités se sont grandement<br /> aggravé, je ne pense pas que l'échec de notre système scolaire, universitaire et<br /> de la recherche ne soit qu'un seul échec de la droite. Je ne pense pas qu'il<br /> faut gagner cette bataille sur une seule opposition droite-gauche ! Mais plutôt<br /> sur les bases DE PROPOSITIONS, d'un modèle de société OU LA CULTURE,<br /> L'ÉDUCATION, LA RECHERCHE, l'imagination seront au cœur de la réussite des êtres<br /> ET notre société.<br /> Y compris sur le fait, que sans culture, sans éducation, il n'y a pas<br /> d'entreprises, pas de réussites économiques.<br /> <br /> <br /> <br /> Sincèrement<br /> <br /> Bien à vous<br /> <br /> didier zuili<br /> <br /> <br />
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